Vendredi 1er février 2019 / Journée 3 / Acte 2
Le bois superlatif. Exploit technologique et écologique.
Présentation de
- Øystein Elgsaas, Agence Voll, Norvège
Les Rencontres WoodRise sont aussi une occasion d’aller vers les superlatifs et de se positionner comme une vitrine pour les objets de construction en bois les plus emblématiques. Dans ce cadre, Øystein Elgsaas est venu présenter la structure bois la plus élevée au monde, de 18 étages et 85,4 mètres de haut, inaugurée en mars 2019. La réalisation, exemplaire pour la filière, est localisée à Brumunddal, en Norvège, une petite ville de 10 000 habitants.
Voll Arkitekter est un cabinet composé de 22 personnes dont la concrétisation des projets importe particulièrement : « Nous sommes des batisseurs et voulons aller vers la concrétisation des projets plutôt que de concevoir des objets virtuels qui resteront sur papier. Et construire la tour en bois la plus élevée au monde était un défi que nous voulions relever » raconte Oystein Elgsaas.
La ville qui abrite la tour Mjøstårnet, devenue un véritable emblème, est une petite ville de 10 000 habitants située à un peu plus de 100km d’Oslo, au bord du lac Mjosa, le plus grand lac du pays. Ce contexte environnemental caractérisé par un fort lien entre l’homme et la nature, a d’ailleurs beaucoup conditionné la conception même de la Tour.
BOIS À KM ZÉRO
Ce lieu est réputé pour la sylviculture et l’industrie de transformation du bois. Il y a deux ans, ce projet inauguré en mars 2019, n’était encore qu’au démarrage. Se voulant un modèle de construction durable, le projet a été conduit en étroite collaboration avec des fournisseurs situés à moins de 15km et 13000 arbres locaux. « La région est reconnue pour sa filière bois. Quand on est en haut de la tour, on peut voir le bois d’où la tour a été construite » explique-t-il. « Le domaine de la construction est un domaine qui génère beaucoup de gaz à effet de serre. Quand le bois provient d’une filière durable, il peut contribuer à la diminution de l’empreinte carbone et c’est aussi pour cela que nous avons fait le choix du bois. Ce qui était important à nos yeux, c’était non seulement de travailler avec un matériau durable, mais aussi dans une conception local avec des industries et des professionnels locaux. »
Initialement, il était prévu d’avoir des panneaux transparents (transparent shell) et de voir la structure bois en exosquelette. Construit sur une zone inondable, il devait être construit sur pilotis (surélévation de 4m). Sa forme caractéristique, rectangulaire et allongée était au départ complétée par un toit incliné destiné à l’installation de panneaux solaires.
« Pour des raisons écologiques et compte tenu de la complexité constructive avec les panneaux de verre, nous avons simplifié les plans. Certains de ces panneaux ont été remplacés par du bois bien que le côté panoramique du bâtiment ait été maintenu laissant le verre omniprésent en particulier dans la façade nord, afin de rendre visible les ascenseurs » explique Øystein Elgsaas.
En outre, le véritable enjeu a été de combiner trois défis du bâtiment : la résistance au feu, la hauteur, et la résistance aux vents.
STRUCTURE
Le long des façades, les poteaux poutres et les éléments diagonaux répartissent les efforts et fournissent la rigidité du bâtiment faces à des vents pouvant dépasser 150 km/h. Des panneaux en CLT forment les deux cages d’escalier et les trois cages d’ascenseurs, sans être structurellement liés à l’ossature en lamellé-collé. Le CLT ne contribue donc pas à la stabilité horizontale du bâtiment.
Résister au feu
Sa structure en bois lamellé-croisé est conçue pour conserver sa capacité de charge lors d’un incendie. Le bois lamellé-croisé acquiert une couche protectrice de charbon qui empêche le feu de se propager, pour s’éteindre par la suite. Par ailleurs, d’autres mesures ont été intégrées au projet pour réagir avec efficacité à un incendie. Tout d’abord, un système de gicleurs couvre la totalité du bâtiment, en plus d’avoir une réserve d’eau indépendante. Précisions que les alimentations en eau pour le service d’incendie sont également doublées.
Lors d’un incendie, le talon d’Achille dans une structure en bois se trouve dans les joints en acier reliant chacune des poutres. C’est pour cette raison que la structure en bois lamellé-croisé contient des bandes intumescentes qui protègent les tôles et chevilles d’acier au sein des joints. Ces bandes comprennent un matériau qui se dilate jusqu’à 20 fois sa taille initiale lorsqu’il atteint une température de 150 degrés Celsius, prévenant ainsi l’acier de se réchauffer et permettant de boucher les ouvertures.
Enfin, chacun des étages, appartements et chambres d’hôtel de l’édifice est conçu pour séparer les foyers d’incendie afin de l’empêcher de se répandre. Sur la façade, les éléments du contre-mur ont été traités avec un produit ignifuge.
DESIGN FINAL
Finalement le bâtiment n’a pas été surélevé mais comprend des accès spéciaux en cas d’inondations. En outre, par crainte des chutes de neige depuis le toit à 84m de haut, le toit demeure plat mais comprend une ossature le dépassant lui conférant sa forme caractéristique.
« L’édifice se veut exemplaire et souhaite prouver que nous avons aujourd’hui les moyens et la responsabilité de choisir une solution respectueuse de l’environnement y compris dans la construction de grande hauteur » conclut Øystein Elgsaas.
Sophie Barenne
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